Myrande cultive un arc-en-ciel
Myrande Kziazyk habite Paris mais sa valise est toujours prête pour un voyage à New York ou à Varsovie. Près du quartier de la Butte aux Cailles, dans le XIIIème arrondissement, elle a la chance d'avoir un jardin. Il n'est pas grand mais il est étonnant. Myrande nous invite à le découvrir.
Q : Comment est venue l'idée de faire un jardin ?
Il y a plus de 20 ans, j'ai choisi de m'installer ici à cause de cet espace vert. Quand je suis arrivée, c'était une friche. Sur ces 40m2 de verdure, j'aurais pu aménager une véranda avec terrasse pour prolonger mon appartement. J'ai préféré laisser la nature s'exprimer.
Q : Quand on regarde, l'espace semble beaucoup plus grand que ces 40 m2...
Effectivement. Cette impression est créée par les lignes sinueuses des deux petites allées qui permettent de "faire un tour au jardin". On peut ainsi le découvrir depuis des angles différents. Ce changement de perspective agrandit la mémoire visuelle de l'espace.
Q : D'où est venue cette idée ?
J'ai découvert l'art du jardin lors de mon premier voyage au Japon en 1974. Dans des espaces réduits, les Japonais réussissent à créer un univers. Dans leurs jardins, il n'y a jamais de ligne droite. Tout est disposé pour que l'ensemble dessine une promenade visuelle qui est toujours renouvelée. Mon jardin s'inspire de cette maîtrise de l'espace.
Q : Pourtant, c'est un jardin bien français, avec des pivoines, des roses, des tulipes, des marguerites.
Sans oublier les fruits et légumes ! Pour moi, un jardin doit être généreux. Le plaisir de cultiver, c'est aussi celui de récolter. Ici, je peux manger des tomates, des fraises et des figues. Ce figuier peut donner jusqu'à 8 kilos de fruits. Comme c'est une variété bifère, avec deux récoltes par an je fais des confitures de figues. Les tomates aussi donnent bien. Il y a deux ans, j'en ai ramassé 5 kilos.
Q : Il y a aussi une mini serre. C'est pour stocker la récolte ?
Non, c'est pour les semis et les boutures. Je fais moi-même mes plants. Par exemple, cet énorme figuier vient de la bouture d'un arbre originaire du sud de la France. Mais il y a aussi des plantes qui m'ont été offertes. C'est le cas de ce rosier "Comtesse de Ségur". Ici, il y a un superbe azalée rose en pot offert à ma fille par notre cousin Dominique Ksiazyk en 2015. Les années passent et il est de plus en plus beau.
Q : C'est le temps qui fait un beau jardin ?
Absolument. Un jardin se développe et évolue dans le temps. Il se renouvelle constamment parce qu'il n'est jamais figé, jamais définitif. Mais aussi c'est le plaisir qui fait un beau jardin. Mes ancêtres maternels et paternels étaient des gens de la terre. Je ne peux pas vivre sans ce contact physique avec la terre. J'ai besoin de la sentir, de la toucher. J'ai transmis ce goût à mes trois enfants.
Q : La terre, c'est la mémoire ?
La terre c'est nos racines et c'est aussi un lien. Du côté polonais, je connais mes racines sur 12 générations en ligne directe. J'ai plus de 80 ans et quand je marche sur les terres de mon arrière-grand Père Blaise Ksiazyk à Grochale Gorne, je touche les arbres qu'il a plantés dans les années 1875. Dans les environs, tout le monde connais "le bois des Ksiazyk" planté d'immenses robiniers aussi appelés faux acacias. A quelques kilomètres de là, il y a les champs qui ont été défrichés par mes ancêtres Krzyna et Tomaszewski au début du XVIIIème siècle.
Q : A Paris, les gens créent des micro-jardins sur les trottoirs autour des arbres. Qu'en pensez-vous ?
Je pense que c'est une bonne initiative. Moi-même, je contribue au développement d'un micro-jardin en donnant des boutures. Les Parisiens ont besoin de retourner à la terre pour retrouver le rythme des saisons.